J'AI SCOTCHÉ LES MOUCHES !

Ma tente au-dessus de l'Étang d'Ayès

       C'était un matin de juillet, très tôt. Je campais au bord de l'étang d'Ayès, près de Bethmale en Ariège. La veille, j'avais décidé que je voulais contempler la voie lactée, puis partir seul en montagne avant le lever du jour. Le but était d'aller sur le pic d'à côté pour voir les isards qui se plaisent en cette saison, dans une combe qui les protège bien. J'avais pris deux bâtons, une bouteille d'eau, un appareil photo et une paire lunettes afin d'y voir assez pour le régler ; puis j'avais attaqué doucement, la montée qui passait juste derrière ma tente. Ca serait facile. Je serais revenu pour le petit déjeuner.
       Seulement, je n'avais pas beaucoup dormi. La nuit d'avant non plus. Et du coup, je n'ai pas été très attentif au sentier. Un peu plus tard, je constatais que j'étais déjà bien au-dessus du col où je voulais passer, et que de nombreuses mouches tournaient autour de ma tête. Elles ne m'agaçaient pas encore vraiment, mais je me demandais quand même comment m'en débarrasser.

Et là, j'ai eu envie de chier !
       Comme il n'y avait encore personne sur le sentier, je n'ai pas eu besoin de m'éloigner. J'ai juste choisi quelques feuilles assez larges pour pouvoir m'essuyer, puis ai déféqué à environ deux mètres de la piste. Ça a été vite fait : ploc, ploc ! J'ai soigneusement frotté le fion avec les feuilles prévues, puis relevé mon large short.

      Et c'est là que j'ai eu la surprise ! Plus une seule mouche à hauteur de mon visage ... Ouah, quel confort ! Sans penser à rien je regardais à mes pieds, et vis qu'elles étaient comme à Epidaure, toutes posées sur des herbes en arc de cercle, avec vue dégagée sur ma merde ! C'est comme si elles assistaient à un fumant spectacle. Intrigué, j'observais de plus près, et vis le beau bousier (voir photo), avec sa brillante robe bleu nuit, s'approcher péniblement de la scène à travers un lacis de brindilles sèches, qui étaient pour lui autant d'obstacles à surmonter. Il n'avançait pas vite, oh non ! Et tout autour, les mouches attendaient comme on attend les trois coups de baguette du chef d'orchestre.
       Il finit par y arriver, le bougre ; et il se mit à table sans tarder. Ce fut le signal. Oh, on ne se bâtit pas. Il y avait assez de matière pour tout le monde.
       Je repris donc ma grimpette, content de m'être débarrassé à si bon compte d'une escorte pas désirée.

       Et puis aujourd'hui, l'idée me vient que bien des journalistes et autres politiciens, sont comme ces mouches à merde au garde à vous devant un bousier : il suffit de chier suffisamment sur l'un d'eux pour s'en débarrasser, puisque les autres vont s'y jeter dessus. Cela nous donnera le temps de respirer.